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DOUCES AMIES

Et cette nuit-là, jusqu’au matin, on babilla, on s’aima. Riquette était folle de joie, folle de volupté…

Elle me répétait, entre deux caresses :

— Tu sais, dès après-demain, je veux partir ; juste le temps de faire sa malle !

— Pourquoi tant se hâter ? demandai-je.

— Pourquoi ?… Parce que maintenant j’ai peur de Paris. Je vois le bonheur si près de moi, si près, que j’ai la terreur de le perdre, de ne pas l’atteindre…

— Rassure-toi, Riri ; je suis prêt à partir, sitôt qu’il te plaira. Nous irons ensemble, demain matin, retirer notre petite fortune du Crédit Lyonnais. Et nous irons aussitôt vers une gare.

— Non, non ! C’est tout de même un peu trop de précipitation. Je demande une journée, pour m’acheter quelques chemises, des rubans, des souliers, et faire nos malles. Et, comme je n’aime pas voyager la nuit ; après-demain, je l’ai dit, nous nous embarquerons pour le pays de notre éternel amour…

Je murmurai :

— N’est-ce pas une folie que nous faisons là, Riquette ?… Réfléchis, tu es jeune, toi, et moi je suis vieux. Nous enterrer dans un coin perdu, seuls, toujours seuls… Cela ne sera pas bien gai pour toi… Tu t’ennuieras…