Page:Emery - Douces amies, 1920.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
323
DOUCES AMIES

cent francs par mois. Combien as-tu ?… Cinq mille francs ?… Dix mille ?…

Lentement, je prononçai ;

— Cinquante mille…

Elle répéta :

— Cinquante mille… c’est bien cinquante mille francs ?… Non… Tu veux rire… Mais c’est une fortune, ça !… Et dis-moi bien vite, où as-tu caché ce trésor ?…

— Au Crédit Lyonnais…

Vivement, elle m’interrompit :

— Oh ! tu es bête ! Ces maisons de finance, ça n’est pas sûr. J’ai eu un ami, dernièrement, qui était employé dans une banque et qui me disait que ceux qui confient leur argent sont des poires. On ne sait pas ce qui peut arriver. Un beau jour ça craquera comme le Panama, et des tas d’idiots perdront encore leur bonne galette, se trouveront sur la paille. Écoute-moi, mon coco. Demain, demain matin, tu iras chercher ton argent, et tu le garderas, sur toi, ou dans un vieux bas, caché au fond d’une armoire comme les paysans. Et nous ne resterons pas plus longtemps dans ce sale Paris… Tu m’emmèneras où tu voudras, pourvu que ce soit loin, très loin. Tu veux ?

J’embrassai Riquette, et ce baiser fut ma seule réponse.