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DOUCES AMIES

pas vivre seulement d’amour et d’eau fraîche, et je n’ai plus le sou… nous n’aurons rien à bouffer demain.

Elle avait retrouvé sa voix rauque et glaciale des mauvais jours.

Mais, déjà, la joie se rallumait en moi. Et, sans attendre, je lui aurais crié : « Mais, petite folle, tu ne sais donc pas que je suis riche encore, riche de cinquante mille francs !… » si maintenant, dans ma sécurité, je n’avais voulu m’amuser un peu de sa crainte de la misère, pour mieux jouir ensuite de son allégresse, lorsqu’elle saurait.

En même temps, un orgueil et un immense bonheur me ranimaient. Ainsi, vraiment, me croyant ruiné, elle m’avait accueilli, elle m’avait aimé…

Aimé… oui, passionnément, follement, incomparablement, durant ces journées de tendresse et de volupté sans pareilles !…

Elle reprit :

— Écoute, et ne te fâche pas : nous resterons ensemble. Je sens, en effet, que maintenant, je ne pourrais plus vivre sans toi. Mais comme il faut payer le propriétaire, le restaurateur et toute la sale bande des mercantis qui nous vendent le sommeil, la pâtée, chaque jour, pendant deux heures, je te quitterai. Tu ne me demanderas