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DOUCES AMIES

vions maintenant dans une petite rue à demi déserte.

Brusquement, Riquette éclata.

— Ah ! tu sais, tu es un cochon, un cochon, un cochon ! Grâce à toi, je suis sur la paille… Le jour où je t’ai connu, il eût mieux valu pour moi me casser une jambe !

Mon seul désir était d’obtenir le pardon de Riquette, d’enlever de son cœur toute rancune et toute tristesse. Ses récriminations, certes, étaient injustes, mais elles ne me révoltaient point. Je les subissais, comme une colère d’enfant irritée, qui ne sait pas ce qu’elle dit, dans l’excès de sa rage. Lorsqu’elle se tut enfin, très doucement je balbutiai :

— Tu es donc bien malheureuse, maintenant ?…

— Zut !

— Je t’en prie, Riquette… réponds…

— À quoi bon ?… Tu as peut-être l’intention de me faire l’aumône, de me prêter cent sous…

— Je veux te sauver !… t’arracher à ta détresse… Te donner un peu de bonheur.

— Je ne veux pas…

Je compris que, si j’insistais, elle serait féroce, qu’elle voulait abuser de ma lâcheté. Il fallait changer de tactique.

— Alors, murmurai-je, adieu, ma bonne Riquette, adieu…