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DOUCES AMIES

Son accueil me glaçait.

Elle restait immobile, silencieuse. Son visage, hélas ! un peu flétri, avait maintenant une expression de dureté que je ne lui connaissais pas.

Je répétai, encore :

— Riquette… Riquette…

Elle me considéra lentement, des pieds à la tête, inspectant ma tenue, puis, goutte à goutte, laissa tomber ces mots :

— Comme tu es changé. Tu as vieilli de vingt ans… Ça ne t’a pas réussi, la noce, hein, mon pauvre vieux !…

— La noce !… Riquette !… la noce… C’est le chagrin qui m’a usé…

— Ah ! mon coco, laisse-moi rire… le chagrin !… De qui ?… De quoi ?… Qu’est-ce que tu chantes ?… Je sais ce que je dis. On te rencontre partout, vadrouillant comme un étudiant, comme un petit jeune… Mes compliments, tu sais… À te voir, un peu déjeté, pas mal décati, on ne le croirait pas si vert… Lisette Loupiol m’a donné des renseignements : tu as couché plusieurs fois avec elle chez la mère Simon. À propos, tu n’as pas eu d’elle quelque vilain souvenir ?… Elle est malade, tu sais… mais malade jusqu’aux os…

Tandis qu’elle parlait, lentement nous allions. Elle avait quitté le boulevard, nous nous trou-