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DOUCES AMIES

sans trêve, me précipitait à la poursuite de Riquette.

Je l’avais cherchée dans les quartiers excentriques, dans les maisons de passe, même dans les bouges. Et ce fut sur le boulevard qu’un beau jour, par hasard, je la revis enfin…

J’étais assis à la terrasse d’un café, m’amusant au spectacle incomparable de la vie et du mouvement parisien ; mes regards étaient pour ainsi dire pris, attirés, emportés dans les remous et les courants de ce fleuve humain qui coule vertigineusement, si capricieusement, et va se perdre on ne sait où. Des pensées tristes m’obsédaient.

— À quoi bon, me disais-je, tant s’agiter, tant aimer, tant souffrir ? Notre existence a-t-elle vraiment un but ? Ne sommes-nous pas simplement des épaves secouées, ballottées, et enfin brisées, détruites, anéanties ?

Brusquement, je tressaillis…

Dans la foule, à quinze pas de moi, Riquette trottait…

Précipitamment je me levai, je courus…

— Riquette, Riquette…

L’émoi me serrait la gorge… j’avais mille peines à prononcer le nom de l’amie… J’aurais voulu lui dire ma joie, mon allégresse de la retrouver… Mais aucun autre mot que son nom ne sortait de ma bouche.