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DOUCES AMIES

vivait de la sorte, en se nourrissant de rêves, d’imaginations, de simulacres. Il avait dans sa garçonnière une collection très complète de photographies des jolies actrices de Paris : chaque jour il en choisissait une, la considérait longuement, s’imprégnait pour ainsi dire les yeux de la capiteuse image. Puis il amenait dans son lit la première venue, et à force de volonté ou de folie, il se persuadait qu’il avait en ses bras Liane de Pougy, Lise Fleuron, Nine Derieux, Clémence de Pibrac. Il était parvenu à s’illusionner, soi-même, si merveilleusement, qu’il nous disait très sincèrement, le lendemain :

— Mes amis, j’ai passé une nuit délicieuse. Songez donc : un régal de roi, un morceau pour Rothschild. Cléo, Cléo elle-même a couché avec moi.

XV

Pendant plus de six mois, je me suis acharné à cette chasse douloureuse. Ce n’était plus, maintenant, la hantise de sa peau ni la faim de son baiser, mais seulement la pitié, oui, la tristesse de la pressentir malheureuse, misérable, qui,