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DOUCES AMIES

Souvent, le soir, quand tombe le crépuscule, j’ai des désespérances infinies et, il faut bien l’avouer aussi, des nostalgies folles de Riquette… Ah ! si elle avait voulu… si elle avait consenti à venir se cloîtrer avec moi aux Fresneaux, nous aurions pu y cueillir encore un peu de bonheur.

J’ai bien eu la lâcheté de lui adresser cette prière. Oui, dans une lettre humiliée, repentante, je lui ai offert de partager et de fleurir ma solitude.

Pour la décider à venir ici, je lui ai déclaré qu’elle serait ma légataire universelle. J’espérais la tenter avec cette offre qui réalisait son rêve, tant de fois exprimé : être propriétaire ! Sur une carte postale, elle m’a envoyé, pour toute réponse, ce mot :

« M… ! »

Et depuis, je traîne de tristes jours, d’atroces nuits d’insomnie. J’attends avec impatience les cinquante et quelques mille francs qui me resteront, après la vente des Fresneaux, une fois les hypothèques payées.

Quinze cents francs de rente ! la retraite d’un adjudant ou d’un petit bureaucrate…

Stupidement, bêtement, je me suis ruiné en moins d’un an, pour une fille qui me trompait, qui me torturait.