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DOUCES AMIES

mon supplice par l’unique crainte d’être congédié par Riquette, comme un créancier, comme un valet.

Et pourtant, je suis bien certain qu’elle m’aimerait mieux, si je me révoltais, et qu’elle se soumettrait, docile et serve, si je la menaçais brutalement de la plaquer. Car je suis généreux. Elle a besoin de moi. Ses amants n’ont pas le sou ; sans moi elle retomberait dans cette misère où je l’ai connue…

Je suis assez naïf pour la croire, quand elle me conte que tel ou tel millionnaire lui propose de l’entretenir, lui offre hôtel, voiture et tout le reste. Allons donc ! Si on a l’envie d’une fille comme Riquette, on la prend à l’heure ou à la nuit, dans une maison de passe, pour dix ou quinze louis : c’est le vrai tarif. Mais on n’en fait pas sa maîtresse. Non, non, je le sais bien.

Pourquoi n’ai-je pas ainsi passé mon caprice, oh ! pourquoi ? Je me serais évité de cruelles souffrances, de douloureuses insomnies…

Pourquoi ?…

Hé, tout simplement parce que je l’ai rencontrée à l’heure de cette crise redoutable, où l’homme — au bord de la vieillesse — éprouve l’impérieux besoin d’aimer encore, d’une tendresse neuve, et fraîche, et crédule d’adolescent.

Seulement, à vingt ans, on ne raisonne pas :