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DOUCES AMIES

L’étroit guichet est là, petite porte ouverte sur le mystère, idylle ou tragédie…

Des femmes se pressent, héroïnes d’obscurs romans, personnages ignorés de drames passionnels.

Elles se poussent, se bousculent, inquiètes et tremblantes. Elle réclament à l’impassible distributeur d’incertaines correspondances, murmurent timidement des noms, des initiales.

Avec des gestes lents, réguliers de machine, l’homme compulse les enveloppes.

Très jeunes, pour la plupart, de petites ouvrières, pas encore envolées des nichées familiales, venant chercher ici des nouvelles de l’amant, l’heure du prochain rendez-vous ; une servante, à la jeunesse robuste, au corsage gonflé de sèves campagnardes, qui tenta, sans doute, plus d’un galant ; effarée et honteuse, se cachant dans la foule une jolie et très élégante mondaine, captive sans doute des geôles conjugales, n’osant ou ne pouvant se libérer, dont l’esclavage se pare des fleurs de l’adultère.

Oui, c’est ici la poste de l’amour romanesque, de l’amour mystérieux, de l’amour opprimé.

Moi aussi j’ai tremblé, j’ai frissonné… comme une femme.

L’homme, à ma demande, prit un paquet de lettres, lentement les manipula.