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DOUCES AMIES

Non, je ne voulus pas jouer le rôle ridicule et odieux du vieillard jaloux qui surgit, croquemitaine féroce, pour effarer et séparer deux amants jeunes et beaux, qui s’adorent follement…

Cependant je souffrais, oh ! oui, terriblement…

Chacun de leurs baisers m’enfonçait un poignard dans le cœur. Je ne puis mieux dépeindre ma souffrance que par cette si vulgaire mais très exacte comparaison.

En vérité, c’était comme le déchirement d’une lame aiguë qui me traversait la poitrine.

Comme tout homme sincère, j’avoue que j’ai toujours eu peur de la mort. Où se réveillera-t-on, quand nos yeux se seront fermés ?… Est-ce la peur d’une autre vie ou l’effroi du néant qui nous épouvante. Il est bien certain qu’à ces minutes terribles, nous tremblons et implorons la pitié secourable d’un Être tout-puissant ; nous lui mendions encore quelques journées, quelques semaines ; nous trouvons mille raisons pour justifier notre prière…

Cette nuit-là, en vérité, je désirais mourir.

Oui, il m’eût été infiniment doux de fermer les yeux, pour toujours.

Ce que je voyais m’accablait d’une telle désolation, que l’éternel sommeil me semblait une douceur.