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DOUCES AMIES

forces m’abandonnaient. Je dus renoncer aux soupers. Riquette me déclara brutalement qu’elle irait seule dans les cafés de nuit :

— Tu ne t’imagines pas, fit-elle d’une voix aigre, que je vais aller me coucher à minuit. Enterre-moi tout de suite. Je n’ai pas cent dix ans, moi mon bonhomme, pour être flappie et avachie. C’est à prendre ou à laisser !…

Chaque fois qu’elle me parlait ainsi et me montrait son désir de briser notre liaison, je devenais lâche, lamentablement lâche. Et je me résignais à ses volontés, j’acceptais tout, tout, pour ne pas la perdre.

… Ce soir là, brisé, grelottant de fièvre, j’étais allé dans sa loge, pour l’embrasser avant de rentrer chez moi. Elle lisait une lettre. En me voyant, elle la froissa et la jeta à terre ; puis, dans un accès de mauvaise humeur, elle me reprocha de pénétrer chez elle, avec des allures de maître et de seigneur.

Je compris que ma présence la gênait, et qu’elle me recevait de cette façon pour cacher son mécontentement d’être prise ainsi lisant quelque offre galante, que sans doute elle était disposée à accepter.

Je me retirai, peu soucieux d’essuyer sa colère. Mais convaincu qu’elle allait me tromper, je me cachai parmi la foule des pauvres gens