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DOUCES AMIES

demeurer gai en dépit du supplice physique qui m’accable.

Je bois des champagnes, des alcools ; l’ivresse parfois me donne un peu de courage. Le plus souvent, je suis écrasé par une torpeur et une somnolence invincibles.

Il m’arrive parfois d’avouer à Riquette le malaise et la faiblesse que je ressens ainsi. Mais elle rit et me répond :

— Pourquoi ne rentres-tu pas, bien tranquillement chez toi. Le souper ne t’amuse pas ; tu es bien bête de t’imposer cette corvée. Puis, je l’avoue, ça n’est pas folichon pour moi, ces tête-à-tête avec un bonhomme qui a l’air de mourir et prend des airs de martyrs qu’on fait cuire à l’huile. J’aimerais mieux venir ici avec des camarades du concert ! Ah ! pour sûr !… Tu te crois obligé de me cramponner parce que tu es jaloux, horriblement jaloux !… Faudrait te soigner, mon chou !

Cette douloureuse jalousie, que je ne parvenais point à dissimuler, me tenaillait de jour en jour avec plus d’intensité.

Je savais que Riquette recevait, à chaque représentation, des déclarations ardentes et passionnées. Les ouvreuses, les vendeuses de programmes osaient venir dans sa loge, en ma présence, lui faire des propositions ignobles :