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DOUCES AMIES

un précipice. Je tendis les mains, chancelant, vacillant, et je m’ensanglantai les poings contre un mur, où mes doigts cherchaient un appui…

Riquette et l’homme entraient à l’hôtel. Je me précipitai derrière eux ; je pénétrai dans le couloir et montai l’escalier.

Une porte s’ouvrit. Ils disparurent.

Et je demeurai, pleurant, à demi mort, devant cette porte, tenté de la renverser, d’étrangler l’acrobate, de prendre Riquette, de me jeter sur elle, de la posséder…

Des gens allaient, passaient près de moi, dans cet affreux bouge où des amants de passage venaient s’étreindre à la course ou à l’heure. Personne ne prenait garde à moi. Ma détresse ne se voyait donc pas, à mon attitude, à mon visage ? Non… indifférents, insouciants, les hommes et les femmes me coudoyaient, me frôlaient…

Toute la nuit, je restai là. Un garçon sembla s’inquiéter de ma présence, je lui jetai un louis : il se contenta de cette explication.

Je cherchais à entendre la voix de Riquette. Je m’approchais de la porte. J’écoutais… Enfin, ma triste curiosité fut satisfaite. Dans l’emportement voluptueux de sa joie, Riquette cria. Chaque syllabe qu’elle jetait venait me poignarder ! N’ayant plus la force de supporter cet abominable supplice, je m’enfuis…