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DOUCES AMIES

petites amies ?… On en rit… on pardonne… c’est la vie !…

Je pris même la résolution de rentrer ce soir-là de très bonne heure chez moi, pour ne pas être tenté de vérifier l’exactitude de la dénonciation. À dix heures, j’étais au lit.

Mais, alors, au lieu de m’endormir, je fus hanté par des visions suppliciantes, intolérables. Riquette m’apparaissait, tentante, affolante, se livrant éperdue aux caresses de l’amant. Je la voyais, tendant sa bouche, offrant ses lèvres, abandonnant son corps ; elle m’échappait, je la perdais. Et ma tendresse, que je croyais depuis quelque temps moins violente, moins forte, se réveillait, me secouait, me fouaillait.

N’y tenant plus, je me levai. Et, avant minuit, j’étais à la porte de l’hôtel que Sartigny m’avait indiqué, guettant l’arrivée de Riquette.

Caché dans l’ombre, un chapeau à larges bords sur la tête, le col de mon manteau relevé, j’examinais les passantes, tressaillant chaque fois qu’une silhouette de femme approchait.

Tout à coup, dans l’éclaboussement des lumières d’une brasserie, j’aperçus Riquette, accrochée au bras d’un homme, et trottant avec lui…

J’eus un éblouissement ; puis brusquement je ne vis plus rien. Il me sembla que le sol s’entr’ouvrait sous mes pieds, que je tombais dans