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DOUCES AMIES

L’autre matin, près de moi, au club, à déjeûner, il prenait en me regardant des airs attristés ; quand il m’adressait la parole, il m’appelait : « pauvre ami » ; il semblait compatir à mes tristesses. Énervé, je le priai de ne pas jouer de la sorte au croque-mort et m’agacer de ses condoléances. Il eut alors un sourire terrible et me demanda si j’avais, depuis quelque temps, des nouvelles de Riquette.

— Mais, lui répondis-je, je l’ai vue encore hier…

— Ah ! fit-il, vraiment, vous la voyez encore ?… C’est heureux que vous m’ayez prévenu : j’allais faire une belle gaffe…

— Pourquoi ?

— Permettez-moi de ne pas insister, répliqua-t-il, avec son rire féroce.

Naturellement, je l’interrogeai, je le suppliai de parler. À la fin il céda, par amitié, assura-t-il, et pour me rendre service.

Il me conta que Riquette avait pour amant, depuis quelque temps, un acrobate des Folies-Bergère. Je voulus discuter la véracité de cette information.

— Oh ! dit-il, ce que j’avance, moi, je le prouve. Vous n’avez qu’à surveiller votre maîtresse : elle couche toutes les nuits chez l’Hercule, dans un hôtel garni du faubourg Montmartre.