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DOUCES AMIES

invite et non pas celui qui accourt — car le rôle de l’homme en tout roman sentimental est de faire le premier geste et de murmurer la prime parole — je livrai à la promiscuité des offres et demandes galantes l’anonyme appel de mon rêve à l’idéale inconnue, avec le pressentiment qu’elle tressaillerait peut-être à la lecture de ma prose, et qu’elle sentirait soudain le mystérieux pressentiment qui étreint le cœur, l’hypnotise, le prend, l’obsède et le harcèle jusqu’à l’heure où l’esprit se décide enfin à ne plus résister à la hantise, se lance vers l’aventure, fait le premier pas dans l’inconnu, à la poste la brève réponse, la troublante missive, qui frissonne elle aussi, ne sachant par quelles mains, douces ou brutales, elle sera violée…

Déjà, l’aventure commence… le cœur palpite… les jours coulent plus rapides, les heures se précipitent… On attend ?… Vaine attente, peut-être… L’annonce sera-t-elle perdue, parmi les autres, et dédaignée ; ou remarquée par celles dont la tendresse serait une épouvante ?… La petite lettre, écrite à l’anonyme, amassera-t-elle l’inepte curiosité d’un joyeux farceur ; allumera-t-elle la sensualité d’un ignoble satyre ?…

On frissonne… on tremble… on espère…

On vit !