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DOUCES AMIES

qu’on lui avait signifiée, elle me répondit avec un geste voyou :

— T’inquiète pas, mon petit. La Censure, vois-tu, je m’en fous !

En effet, en dépit des démarches de mon ami, il fut impossible par la suite de faire cesser ces spectacles démoralisants, qui sont une honte pour une ville qui les tolère, dégradants pour le peuple qui les applaudit.

Les applaudissements… Oui, c’est bien cela qui enivre Riquette, c’est cela qui la surexcite. Moi qui connais sa petite âme vaniteuse et frivole, je sais que pour des bravos, des claquements de mains, elle se montrerait nue, sans un voile, sans une feuille de vigne, à l’Univers entier. Elle a l’orgueil de son corps, un orgueil immodéré, immense, insensé.

… Pour mettre enfin un terme à mon supplice de chaque soir, j’ai voulu atteindre Riquette dans son orgueil.

Je me suis adressé à un de mes meilleurs camarades du cercle, qui avait l’habitude d’organiser des manifestations populaires.

Et plusieurs soirs de suite, une trentaine d’individus, semés parmi les spectateurs, ont sifflé Riquette. Ils ont protesté à haute voix contre sa nudité.

— C’est écœurant…