Page:Emery - Douces amies, 1920.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
271
DOUCES AMIES

chaque soir, au concert, jouissent de la beauté de Riquette. Leur joie me torture. Je me sens des rages folles à la tête, quand je les vois dévorant des yeux la poitrine grasse, blanche et palpitante de mon amie. Leurs paroles, les mots qui leur montent aux lèvres, dans les spasmes de leur contemplation, me révoltent…

Il y a quelques jours, deux hommes, près de moi, échangeaient leurs réflexions…

— Ah ! disait l’un, on en mangerait…

— Quel dommage, répliquait l’autre, de ne pas avoir cinquante louis à perdre… Je m’en offrirais une tranche ce soir même…

— En vérité, c’est une merveilleuse femme !

Leur convoitise, plutôt que leur insulte, me surexcitèrent. Brusquement, je me levai et ma main, poussée par une force irrésistible, atteignit le visage de celui qui voulait s’offrir « une tranche » de Riquette. Que se passa-t-il ensuite ?… je ne sais au juste. Quand je repris mes sens, j’étais dans un bureau de commissaire, le visage contusionné, les vêtements en désordre.

Sévèrement, le magistrat m’interrogea. En entendant mon nom, il devint plus poli, presque aimable. Puis, quand je lui eus expliqué, à ma façon, comment j’avais riposté, en homme du monde, par une gifle, à des injures personnelles adressées par des inconnus, dans ce concert où