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DOUCES AMIES

narcotiques faisaient peser sur mon pauvre corps.

À déjeuner, subitement, Riquette s’emporta :

— Qu’as-tu donc à me faire une pareille tête ? Tu ne dis rien ; quand je parle, tu ne réponds pas. Tu dors à moitié. Tu sais, si tu t’embêtes, il faut le dire… ou plutôt, il eût mieux valu me prévenir à l’avance que ce serait pour toi une corvée de m’accompagner à la campagne. Je n’aurais pas eu de peine, va, pour trouver un camarade qui eût été ravie

Je protestai ; je me plaignis de malaises vagues, mais je n’osais toujours pas avouer la violence de mes rhumatismes ; un ridicule amour-propre de vieux jeune m’empêchait de confesser cette maladie des usés et des décrépits.

Nous passâmes encore deux journées dans la forêt : moi toujours souffrant, Riquette maussade, agressive, de plus en plus désagréable. Et cette idylle se termina brutalement, bêtement. Ma petite amie énervée, agacée, au milieu du dîner s’emporta, jeta les assiettes par la fenêtre, me lança en plein visage un morceau de pain qui m’érafla le front et le nez. Et j’avais ainsi un aspect absolument grotesque qui amusait Riquette, lui arrachait des éclats de rire. Et alors, quand elle ouvrait la bouche, ses dents parais-