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DOUCES AMIES

ne lui donnent pas même une crise de plaisir. Ils ne savent pas ou ne veulent pas. Ils sont trop égoïstes, trop braques, trop pressés… Ah ! bien, si tu avais vingt ans, c’est moi qui te plaquerais. D’abord je ne t’aurais pas voulu !…

Le soir même, nous étions installés dans une petite villa, à Barbizon, en pleine forêt. Riquette fut gaie comme un pierrot. Elle riait, elle babillait, elle grignotait des cerises pas mûres. Elle les prenait entre ses lèvres et m’invitait à aller là cueillir ma part. Mes dents en heurtant les siennes, au lieu de chercher le fruit, l’écartaient, pour prendre le rouge plus tentant, plus savoureux de la langue palpitante. Je redevenais gamin. Le renouveau, qui fait circuler dans les vieux arbres des sèves tumultueuses, rajeunissait mes cinquante ans.

J’aperçus, par hasard, mon visage dans une glace constellée de noms d’amoureux et de dates heureuses, et je fus étonné, — une véritable métamorphose s’était opérée.

Riquette, ayant bu beaucoup de champagne, devint très sentimentale. Elle m’entraîna sous la forêt, voulut s’asseoir parmi la mousse. Je dus m’étendre avec elle sur l’herbe humide, et aussitôt, hélas ! je compris que l’âge était implacable et ne m’oubliait pas. Une douleur aiguë, lancinante, me déchira les jambes. Mes rhumatismes