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DOUCES AMIES

bonheur, je bénissais cette maladie qui me révélait enfin le bon petit cœur de ma gentille amie.

… Souvent déjà, bien souvent, à mes heures de lucidité, lorsque j’arrivais à me dégager de la sentimentalité sensible où je me débattais, je m’étais demandé si Riquette m’aimait. Et le doute m’avait assailli ; et pire que le doute, la crainte de n’être pas aimé, mais toléré comme le protecteur, le vieux monsieur sérieux, sur qui l’on peut compter…

Maintenant tout cela s’évanouissait. J’étais aimé, oui, sûrement, profondément. Mais Riquette aimait à sa façon, avec des caprices, des colères, des brusqueries…

Aimé ; assurément, — non comme un camarade, un bon vieil ami, — mais oui, je l’affirme fièrement, aimé, comme l’amant, son amant !…

Un soir, Riquette me dit :

— Tu ne vois donc pas, tu ne sens donc pas que ces veilles auprès de ta pauvre petite malade t’épuisent, t’affaiblissent… Je ne veux plus, mon bon chéri, je ne veux plus que tu passes les nuits, ainsi, dans un fauteuil près de moi…

Une angoisse me prit. Voudrait-elle encore m’éloigner ? Je la suppliai donc pas m’attrister si douloureusement. Son visage alors s’illumina d’un rire angélique, infiniment doux.