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DOUCES AMIES

plus sincères, par des maladresses ou des subtilités de rédaction, à peine perceptibles, mais qui pourtant éveillaient brusquement mon étrange et maladive perspicacité d’impulsif.

Oui, je sentais tout à coup les battements d’un pauvre cœur, tressautant en ces quelques lignes, éperdu d’angoisse, cherchant à son infinie tendresse quelque cher refuge où se blottir et se ranimer ; je reconnaissais encore l’inquiétude et la révolte des âmes altières, captives des bagnes et des galères contemporains, condamnées à la vie bête, rêvant malgré tout l’affranchissement sentimental par la grâce de romanesques et poignantes aventures…

L’aventure !…

L’espace, soudainement entrevu ; l’essor possible ; les barreaux de la prison miraculeusement disjoints, permettant désormais l’envolée de l’âme vers des ciels radieux et l’union voluptueuse à une âme chérie, en des extases divines !

L’aventure !…

Le rayon de soleil, le rayon d’espoir. L’épanouissement de toutes les fleurs de joie, dont les semences s’étouffaient et se mouraient, faute de lumière et faute de rosée… Le grand souffle frémissant qui tombe de la montagne, courbe les collines, épouvante la plaine, sème éperdument ses palpitants frissons…