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V

Quand on est jeune, on ne sait pas aimer. On est ardent au plaisir, on a de belles vaillances sensuelles, on accomplit des miracles ; on émerveille ses maîtresses. Mais on n’aime pas : on ne sait pas aimer.

Et, cependant, on est aimé… Je me rappelle mélancoliquement mes aventures, mes fredaines, mes folies anciennes de vingt à quarante ans. Je possédais alors le don fatal d’attirer les maîtresses, de les séduire, de les charmer. Celles que j’avais tenues, une nuit dans mes bras, voulaient demeurer l’amie fidèle et soumise, me donner désormais tout leur amour et toute leur vie. Me donnais-je assez de mal pour les éloigner, ces femmes collantes !

Toute ma tendresse s’épuisait en une nuit d’amour. Il fallait chaque jour une femme nouvelle à ma fantaisie ; je les estimais, les unes et les autres, juste autant que la fleur qu’on met une soirée à sa boutonnière, et qu’on jette ensuite à la rue…