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DOUCES AMIES

— Ces bêtises-là !…

Riquette reprit :

— Voyons, bibi, tu sais bien qu’ils sont à toi, rien qu’à toi, mes gros nichons…

Alors, j’eus le vertige… Je voulus effacer, sur la peau douce, si blanche, si rose, si parfumée de mon idole, la souillure de l’autre baiser. Je fus violent, brutal. Et désormais, irréparablement, j’ai un remords triste, une mélancolie amère, au souvenir de cette soirée. Dans cette loge étroite, banale, surchauffée, mal fermée, j’ai eu la première étreinte de celle que j’aimais d’un amour tendre et joli. Moi qui attendais avec ferveur l’heure suprême de la communion d’amour, et voulais en goûter les extases, religieusement, pieusement, dans quelque somptueuse retraite fleurie, je l’ai brutalement et bêtement violée — car une telle possession brusque, bestiale, est un véritable viol…

Oh ! comme une fois l’exaltation tombée, j’ai senti le dégoût, la rancœur pénétrer en moi. Je n’osais plus regarder Riquette. Elle ne disait rien. Elle semblait étonnée. Non, vraiment, elle n’avait pas l’attitude d’une fille, d’une gourgandine. Elle était triste ; elle pleurait comme moi sans doute l’angoisse et la banalité de notre première étreinte.

Et pourtant, je sentais bien que mon amour —