Page:Emery - Douces amies, 1920.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244
DOUCES AMIES

serait agir en galant homme ; tous mes amis approuveraient et m’estimeraient.

Mais à la pensée de ne plus la voir, de ne plus flâner le soir dans sa loge, de ne plus me griser des rayons de ses yeux et de l’odeur chaude de sa peau, quand elle se déshabillait, je ressentais un désespoir horrible, une épouvante douloureuse. Et je me résignais presque à accepter ce rôle que je jouais, depuis plusieurs mois, d’imbécile, de gâteux, de poire…

Et le soir, je retournai au concert, résigné, plus que jamais asservi, stupide.

Mais, quand, après avoir chanté, Riquette entra dans sa loge, suivie d’un jeune homme qui, sans s’inquiéter de ma présence, se mit à s’emparer des seins de mon amie et à les couvrir de baisers, une folie furieuse s’empara de moi. Je jetai l’homme à la porte, je me précipitai sur Riquette et je m’écriai :

— Ah ! j’en ai assez ! On se moque de moi ! Je ne veux plus être votre jouet, votre poire !

Riquette, sans la moindre émotion, murmura :

— T’es bête, mon ami… Qu’est-ce qui te prend ? Parce que ce petit m’a embrassé le bout des nichons. C’est un journaliste, il me fait des articles à l’œil. Quand on est artiste, on est bien obligé de subir ces bêtises-là…

Je balbutiai :