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DOUCES AMIES

m’assieds dessus, tiens, comme ça ! » Et détachant une rose de la corbeille, elle fit le geste et aplatit la fleur.

« Voyons, mon cher, brisez cette liaison dégradante ; cela vous sera facile, puisque vous n’êtes même pas son amant ; du moins c’est elle qui le crie à ses amies, à ses camarades de concert… Je n’ose vous dire à quel point vous devenez ridicule, grotesque. Vous êtes une poire, en un mot !… »

Chacun de ces mots pénétrait en mon cœur comme la pointe empoisonnée d’un poignard. Pendant deux heures je relus et relus la lettre infâme, croyant par instants que ce n’était qu’une basse et ignoble vengeance, puis, ensuite, convaincu que tout était vrai, bien vrai : il m’était du reste facile de vérifier l’accusation. Je n’avais qu’à interroger un de ces jeunes hommes dont les noms m’étaient cités : pour cinq ou dix louis, il me serait facile d’acheter leur témoignage.

Je m’arrêtai un instant à cette résolution.

Puis, j’eus honte de cet espionnage qui m’eût avili, moi le premier.

Pendant toute la journée, je formais mille projets : le plus sensé, c’était de rompre, sans phrases, brusquement : j’enverrais à Riquette un bouquet et une vingtaine de mille francs, ce