Page:Emery - Douces amies, 1920.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
241
DOUCES AMIES

« N’oublions pas les grands-ducs ; vous mettrez de côté deux cent mille francs pendant votre séjour au pays des boyards. »

Il est juste de constater que cette métamorphose m’a coûté en toilettes, bijoux, affiches et réclames, plus de cinquante mille.

Cet amour de vieillard — je ne suis pas de ces jocrisses qui se croient seulement mûrs à cinquante ans — me conduirait à la ruine, que je n’en serais aucunement étonné. Voici déjà que ma pauvre femme, épouvantée de mes prodigalités, demande aux tribunaux la séparation de biens. Précaution inutile ; je me sens capable aujourd’hui de semer toute ma fortune à moi, pour mon idole, mais je ne commettrai jamais l’escroquerie conjugale, très admise dans notre monde, qui consiste à dépouiller notre femme légitime de son avoir, de son apport dotal.

Car, maintenant, je suis l’amant de Riquette ; j’ai possédé toute la beauté, toute la joie, toute la gloire de son jeune corps de souveraine : oui, j’ai connu, par elle, le suprême bonheur qu’aucun amour, jusqu’à ce jour, il me semble, ne m’avait donné.

Comment ai-je eu subitement l’audace de me jeter sur elle, de la prendre, de la posséder, moi qui depuis des mois n’osais pas cueillir la douce ivresse, et qui tremblais comme un enfant, rien