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DOUCES AMIES

Car, il faut bien l’avouer, trop souvent la tendresse se dissipe dans la possession. Combien de fois ai-je fait cette triste expérience : des femmes ardemment chéries, follement désirées, sitôt connues, après la pleine extase, deviennent indifférentes, même quelquefois odieuses…

J’ai placé Riquette sur un autel très élevé, très beau. Elle est mon idole. Ce culte m’enchante. Pourquoi briser mon dieu ?

Riquette débute ce soir à l’Eldorado.

Jusqu’à ce jour, elle avait chanté dans des concerts de dixième ordre. Grâce à moi, elle sera bientôt une de ces étoiles que tout Paris adore, applaudit et fête.

Sa jolie voix, maladroite autrefois, un peu aigre, traînarde, faubourienne, a été rectifiée et dirigée par un maître de chant célèbre.

Un costumier fameux a fait pour Riquette de vraies merveilles ; et sous les riches costumes, la chère mignonne est vraiment transfigurée, belle et tentante comme les plus somptueuses reines de Paris. Une subvention assez coûteuse que j’ai accordée au directeur, des réclames payées au Figaro, au Gaulois, à l’Écho de Paris, ont obtenu à Riquette, simple débutante, tous les honneurs, toutes les gloires qu’on attribue d’ordinaire aux très grandes artistes. On célèbre ses imaginaires succès anciens. On vante sa