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DOUCES AMIES

Le jour de notre première rencontre, je pouvais coucher avec Riquette : l’occasion s’est présentée encore presque chaque jour. Non, ce n’est pas l’audace qui fait défaut. Je n’avais qu’un geste à faire : l’attirer sur mes genoux, la pousser vers son lit. La mignonne, sans résistance, se fut efforcée de me donner la plus grande somme de plaisir qu’une femme peut offrir dans son enlacement.

Mais je n’ai pas voulu.

J’ai lutté contre la hantise de mon désir. Volontairement j’ai refusé la volupté qui se trouvait là, troublante, attirante, à portée de ma main.

Par impuissance ?

À cinquante ans, je suis encore aussi robuste, aussi valide qu’à trente… Près de Riquette, je suis frémissant, piaffant : la torture que je m’impose pour ne pas succomber à la tentation est douloureuse. Plus d’une fois, en quittant ma petite Riquette chère, j’ai dû courir chez Mireille, une aimable fille qui a toujours à la disposition des membres de mon Cercle un lot de dix à douze mondaines, pour les cas urgents…

Mais, pareil à un avare, il me plaît de conserver intact ce grand trésor de tendresse et d’émotion que je perdrais peut-être, dans les bras de Riquette en une minute de plaisir…