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DOUCES AMIES

Un baiser, j’en suis convaincu, ne m’eût causé aucun frémissement. C’eût été un remerciement, la paiement du dîner, de la politesse !…

Tandis que la main, en s’attardant si longtemps dans la mienne, me révélait l’éveil, encore trouble, imprécis, mais réel, d’un peu d’amitié, de tendresse…

J’offris alors à mes jeunes amies de leur prêter, en bon camarade, quelque argent, en attendant l’époque où elles espéraient être engagées, à de belles conditions.

L’autre, sans hésiter, accepta. Mais Riquette, la mignonne à la main frissonnante et douce, protesta :

— Non, merci. Vraiment, vous êtes trop bon… Mais pourquoi ?

Ce pourquoi, un peu triste, me fit penser que Riquette repoussait un marché, refusait de se vendre. Et cela m’attrista. En offrant de venir en aide aux pauvres petites chanteuses, ma seule intention était de les secourir amicalement, sans aucune arrière-pensée. Je fut éloquent, ce soir-là : je m’évertuai à faire comprendre à Riquette que je ne comptais pas obtenir, par une si menue générosité, de très précieuses et très intimes faveurs. Je n’aurais pas été plus habile pour faire accepter, sans la blesser, une offrande à une grande dame ruinée… Et je sens, aujour-