Page:Emery - Douces amies, 1920.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
229
DOUCES AMIES

Au dessert elles étaient à demi grises, — à demi seulement.

La plus jolie, celle qui m’avait intéressé d’abord au cabaret, parlait peu…

Assise en face de moi, elle me regardait ; ses yeux bleus avaient une douceur infinie. Il me sembla que je lisais dans ses yeux, le remerciement muet et affectionné du bon chien affamé à qui l’on vient de donner quelque chose à manger.

Par hasard, nos mains se rencontrèrent sur la table, et ce contact me fit éprouver une sensation étrange, la même que j’avais connue à seize ans, lors de mes premières amours…

Les petits doigts se lièrent aux miens…

Ce fut pour moi un ravissement…

Ainsi, cette mignonne créature avait de son côté quelque tendresse pour moi. Son geste, qui se prolongeait, me disait que je n’étais pas le monsieur indifférent qu’on rencontre, mais le passant vers lequel une sympathie affectueuse vous conduit…

De la sympathie.

Je ne suis pas assez ridicule pour demander davantage.

Et ce simple abandon délicieux de la menotte m’était plus précieux que n’eût été une caresse plus audacieuse.