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DOUCES AMIES

un charme et une attirance indicibles. Sous la menue soie mauve de sa blousette, les seins fermes pointaient, sans corset, indiquant leur forme jolie et leur plénitude de beaux fruits déjà mûrs au printemps.

Je les considérais, ces petites femmes, ainsi qu’on regarde des bibelots gentils, sans aucun désir de les mieux admirer dans leur éclat de jolies statuettes nues, aux chairs délicatement nuancées, ainsi que des porcelaines de Saxe.

Je n’aime guère ces régals faciles, qui coûtent en moyenne un louis, au pays de Montmartre.

Je saisissais quelques bribes de la conversation de mes petites voisines.

La plus jolie demanda à son amie :

— As-tu six sous ? J’ai deux lettres à mettre à la poste, et pas même de quoi acheter deux timbres.

― Pas le rond ! répondit l’autre mélancoliquement.

— Et dire qu’il va falloir dîner tout à l’heure…

— Dîner !… compte là-dessus… C’est la fin du mois. Purée générale…

Cette misère m’émut un peu. Eh quoi ! ces gentilles gamines étaient dans une telle détresse. Elles allaient jeûner…

Je ne pensais plus qu’au moyen de les inviter, pas trop brutalement, à venir grignoter des