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DOUCES AMIES

Elle n’a que vingt ans… Elle est fraîche. Elle est jolie. Ses yeux d’azur sont beaux comme le ciel : ils sont mon paradis terrestre… Je veux, oui, je veux me noyer dans ce bleu d’idéal, de surhumanité, jusqu’au jour où des nuages, jour proche, nuages obscurs, me voileront cette beauté… Elle a vingt ans… moi, cinquante.

Ah ! l’absurde et délicieuse idylle, la bouffonne et exquise aventure ! Riez, riez, lapidez-moi de toutes les insultes, selon l’usage, poursuivez-moi de vos cris, de vos menaces, ô jeunes, qui me considérez comme un voleur, parce que je vous prends en effet une de vos proies ! Tous ces charivaris sonneront à mes oreilles, ainsi qu’une douce musique, tandis que je m’abîmerai dans l’ineffable joie de mon amour…

Ma femme, cette bonne compagne, qu’un jour d’ennui j’ai épousée, je ne sais pas pourquoi, a surpris, il y a huit jours, mon joli et frais secret.

Elle m’a dit :

— Ah ! voici que vous allez encore donner la comédie à vos proches, à vos amis, monsieur Polichinelle. On va vous voir rajeunir chaque jour, grâce aux vaselines et aux crèmes que vous employez ainsi qu’une vieille catin, pour celer les ravages de l’âge. Et quelle donzelle