Page:Emery - Douces amies, 1920.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
DOUCES AMIES

nuant son persiflage… Il ne vous manque que le grand manteau couleur de muraille et la guitare, vous auriez l’allure d’un beau galant romantique, accouru pour saluer le retour de sa belle, en lui chantant une sérénade. Mon pauvre ami, vous arrivez bien tard… Madame Vouvray va se marier…

— Se marier, m’écriai-je ; vous plaisantez, n’est-ce pas ?

— Comme vous l’aimez ! fit M. de Santillon… Le ton navré de votre voix trahit votre passion… Oui, vous l’aimez… Et je le sais depuis longtemps !… Ne restons pas ici ; nous sommes ridicules, l’un et l’autre…

Il me prit par le bras, m’entraîna doucement.

— Mais vous l’aimez aussi, remarquai-je tout à coup…

— Oh ! je l’avoue, je l’ai aimée. Marcelle a été ma dernière fantaisie… Je l’ai connue, par hasard, il y a dix ans, un matin de printemps… Elle vivait alors, avec sa mère, dans la petite villa où elle vous a reçu. Elle n’était pas heureuse. Jolie fille, coquette, elle végétait, donnant des leçons de piano, pendant l’été, aux écolières en vacances dans ce coin de banlieue… J’ai senti, en la voyant, que je pourrais m’offrir sa capiteuse beauté, au prix de copieuses générosités… J’ai dépensé, oh ! sans regrets, deux ou trois cent mille francs pour