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DOUCES AMIES

gardes, ils sont, je le sais bien, magnifiques, divins — car ils portent en eux tout le ciel, puisqu’ils ont ton image, mais ton image vraie, palpitante, vivante…

Je voulais emporter le portrait de ma mie…

Alors, tout à coup, j’ai pensé : Je suis fou !… Ce n’est plus seulement un papier gris et menu, c’est elle vraiment que je possède, puisqu’elle est dans mes yeux, sa chère et tendre image. Dans mes yeux, dans mes yeux, son image est gravée comme en un pur miroir. Et voilà le portrait fidèle, merveilleux, que je vais emporter avec moi… Elle sera toujours, là-bas, présente, mon aimée… Dans mes yeux, dans mes yeux… Je la verrai le jour… Je la verrai la nuit.

Je voulais emporter le portrait de ma mie.

Alors je lui ait dit : Ne bougeons plus, madame ! Souriez légèrement. Redressez-vous un peu. Approchez-vous encore, plus près, plus près… très bien… Regardez-moi ; parfait !…

C’est ainsi que j’ai pris, dans un regard magique, sa grâce, sa beauté, son sourire, sa joie.

Alors, j’ai emporté le portrait de ma mie…

Puis, lentement, nos mains se sont déliées. C’est l’heure du départ, l’heure triste et douloureuse. Et pendant quelques jours, je ne la verrai plus.