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DOUCES AMIES

Je voulus emporter le portrait de ma mie…

Quand on est loin de celle qu’on aime, on évoque, à toute heure son visage, sa beauté. Il semble qu’une image, même imparfaite, nous restitue pour un moment la joie de sa présence. On se réjouit alors de contempler longuement, dévotement, le papier qu’on garde sur son cœur, l’humble petit papier où ses traits sont gravés. C’est un peu son l’égard, sa grâce, son sourire…

Je voulais emporter le portrait de ma mie.

— Tiens, choisis, me dit-elle en me tendant un album… Et lentement, j’examinai les nombreuses photographies où le soleil tout-puissant s’est acharné, mais en vain, à reproduire l’éblouissement de son visage, la profondeur de son regard, la douceur de sa bouche…

Mais devant ces imagos, j’ai eu la désillusion et la mélancolie de n’y pas reconnaître celle que tant j’adore… Non, ce n’était pas elle, cette femme glacée, immobile, inconnue…

Je voulais emporter le portrait de ma mie.

— Choisis, mon ami cher ! répéta sa voix douce. Ce portrait doit te plaire… L’artiste qui le fit était très renommé. C’était à Nice, l’an passé : le soleil de là-bas a fixé, il me semble, ce qui t’agrée en moi, mes yeux bleus et mes lèvres… Vois, la robe que j’avais, comme elle était