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DOUCES AMIES

heure, c’est la moisson joyeuse qui convient au guerrier, Mais se laisser lier par les bras d’une femme, captiver par ses yeux, engluer par sa lèvre, ah ! ah ! quelle lâcheté ! ah ! ah ! quelle folie ! « Non, je ne t’aime plus ! Non je ne t’aime plus. »

Tu croyais me tenir, chère, comme un esclave. Tu t’amusais vraiment de ma tendresse inouïe, et te jouais sans doute de mes espoirs ardents !… Allons, regarde-moi… Examine ton serf !… Vois comme il est soumis… ah ! ah ! tes yeux s’inquiètent… tu comprends, belle enfant, que ton pouvoir est mort, que je suis affranchi, libre enfin, libre, libre. « Non, je ne t’aime plus ! non, je ne t’aime plus. »

Ses yeux qui s’étonnaient de ce changement subit, ses yeux ne me donnaient maintenant nul émoi. Je les considérais, en riant, en raillant.

Oui, je riais devant ces chers yeux toujours tristes. Ces yeux ils me semblaient maintenant étrangers… je n’y voyais plus rien, que leur azur glacé… mais toutes les étoiles de rêve s’étaient éteintes. Une brume voilait leurs profondeurs radieuses. « Non, je ne t’aimais plus ! non, je ne t’aimais plus. »

Et pourtant, je souffrais… Une griffe mystérieuse étreignait encore mon cœur de pierre, et j’en défaillais presque. Mais je riais toujours.