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DOUCES AMIES

elle ne voulait pas me recevoir chez elle… Sans doute, elle avait un amant, jaloux et soupçonneux… Un amant ! À cette pensée, une souffrance très aiguë me déchirait le cœur.

Avais-je donc pu croire, jusqu’alors, que cette femme jeune, jolie et désirable, vivait en solitaire, sans amour, sans liaison… Stupidité ! Parce que depuis des mois, j’attendais en mes rêves la tendresse rayonnante d’une amie idolâtrée, je voulais que Marcelle eût vécu ces longs jours dans la retraite et le veuvage, loin du baiser…

Maintenant, au seuil du bonheur, je me torturais par les plus atroces supplices de la jalousie.

Ah ! je m’étais plu à imaginer, depuis l’instant où elle m’était apparue, que j’allais révéler, à son âme frémissante, à sa chair extasiée toutes les magnificences de la passion et de la volupté… Oui, j’aurais cette gloire et cette douceur, d’effacer par les splendeurs de notre amour naissant des souvenirs anciens, très vieux sans doute, usés déjà par le temps ! En ma naïveté, certes je n’allais pas jusqu’à supposer que Marcelle fût vierge ; — mais l’ayant entendue plusieurs fois déplorer sa tristesse de vivre toujours seule et sans affection vive, je me la représentais, comme moi, sevrée depuis longtemps de la délectable et souveraine ivresse…