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DOUCES AMIES

ailleurs ?… Elle est là, mon amour ; ah ! ne suis-je pas fou de m’inquiéter ainsi et de me torturer ?

Sa voix douce prononce des paroles indifférentes.

Non, Marcelle n’est plus près de moi. Son esprit, je le sens, s’est enfui, loin, bien loin…

Et les Champs-Élysées perdent toute leur magie. Ces arbres, ces palais, sont tristes, désolés. Autour de nous, les landaus, les fiacres, les automobiles, tournoient, s’élancent. Ah ! que notre voiture soit prise en ces remous, broyée par l’un des monstres de fer qui semblent nous menacer, leur gueule rouge ouverte et mugissante…

C’est l’heure où l’avenue resplendit dans tout son éclat. Les femmes-fleurs de Paris, les étoiles de théâtre, les idoles de Cythère, en somptueux équipages, se dirigent vers le Bois ; on reconnaît partout des visages célèbres, les princes contemporains de l’or, des arts, des lettres. Le soleil de juin, plus radieux, illumine de tous ses feux couchants l’Arc-de-Triomphe. Ce soir d’été vraiment est plein d’éblouissements…

Malgré cette lumière, en moi tout est obscur. Je n’ai plus les rayons qui, seuls, au monde sont ma clarté et ma joie : les yeux bleus de ma mie ne cherchent plus les miens : c’est le noir, c’est la nuit !