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DOUCES AMIES

des victoires, des triomphes, qui semble son diadème, et s’érige radieux, dans un éternel flamboiement.

De la place de la Concorde, où la voiture nous a conduits, nos yeux accoutumés pourtant à ce spectacle, s’enthousiasment encore. Marcelle est près de moi, reine de ce Paris, petite fée d’azur, avec sa robe de vapeurs bleues, son largo chapeau où frissonnent des roses d’irréelles couleurs qui semblent cueillies dans des parcs aériens. Sa main est dans la mienne ; mes doigts s’irritent contre la mince écorce des gants blancs qui me volent la caresse si chère de sa peau douce et fraîche. Mes yeux cherchent ses yeux.

Mais ses regards se perdent, vers je ne sais quel rêve d’éternelle tristesse et d’espoirs anxieux, où je suis étranger…

Ses yeux craignent les miens, à cette heure. Elle sait que je lis leurs mystères et leurs troubles. Ce soir, elle ne veut pas que j’explore son cœur.

Et l’angoisse me mord cruellement, m’étreint !…

Pourtant, je devrais être heureux de sa présence. Pourquoi ne pas jouir, en pleine félicité, de sentir mon idole si près, si près de moi, et cette victoria, qui nous isole du monde, est la nef enchantée de notre embarquement pour