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DOUCES AMIES

Elle reprit aussitôt :

— Mais vous devez être affamé. Il est midi et : demie. Voulez-vous venir à table.

Je lui offris mon bras. Elle y appuya sa main, lourdement, et il me sembla que cette main tremblait.

Elle poussa une porte. Nous étions dans la salle à manger.

J’admirai tout de suite une antique crédence sculptée, chargée de vases anciens, bouquetières, rafraîchissoirs en vieux Strasbourg, en Marseille et en Delft.

— Et les faïences patriotiques ? demandai-je.

— Vous les verrez, tout à l’heure, on nous les apportera au dessert…

Pendant tout le repas on ne prononça que des paroles graves, indifférentes. Mme Vouvray mère était figée dans une solennité bourgeoise qui me glaçait. Elle me parlait de sa famille qui m’intéressait fort peu ; la petite nièce, grignotait…

Enfin ce fut le dessert. La femme de chambra plaça sur la table les assiettes patriotiques : je connaissais déjà celle qui était devant moi, sur la nappe. Dans un décor ocre et bleu, trois petits cœurs apparaissent, le premier seul, les autres au-dessous, avec cette inscription : Le tiers nuit.

— Cette faïence, me dit Mme Vouvray, ne doit pas être de la Révolution, elle faisait plutôt