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DOUCES AMIES

— Et que ferez-vous de ça ? me demanda-t-elle, un peu ironique.

— Assurément, répliquai-je, ce n’est pas pour manger la soupe dans cette faïence que je l’ai payée un louis… je l’accrocherai religieusement parmi mes Rouen, mes Saint-Amand et mes Moustiers…

Mme Vouvray me dit.

— J’ai chez moi deux ou trois douzaines de vieilles assiettes peintes qui vous intéresseraient peut-être. Elles datent de la Révolution, elles sont ornées d’arbres de liberté, de bonnets phrygiens, d’inscriptions bizarres ; l’une porte ces mots : « Aimons-nous tous comme frères ; » une autre : « Vive la Nation, la Loi et le Roi… »

— Des assiettes patriotiques, m’écriai-je, avec la joie d’un collectionneur.

— Venez donc, tous les deux, déjeuner demain, dans ma petite chaumière, proposa la jeune femme.

— Hélas ! fit M. de Santillon, je suis perclus, endolori, incapable de marcher… Mon ami ira seul admirer vos bibelots.

— Alors, monsieur, je vous attends demain…

Je me fis prier un peu. Je ne connaissais pas assez Mme Vouvray, pour accepter ainsi pareille invitation. Deux ou trois fois seulement, pendant quelques instants, nous nous étions ren-