Page:Emery - Douces amies, 1920.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
122
DOUCES AMIES

Je savais qu’elle était belle, prodigieusement, miraculeusement.

J’avais été accaparé par un vieil ami M. de Santillon, qui me racontait chaque semaine, de banales histoires ; je le laissais, durant des heures, éparpiller ses vains babils à mes oreilles, sans prendre même la peine de l’écouter.

Il y a ainsi, dans le monde, d’innombrables personnes fort agréables qui aiment à jacasser platoniquement, sans exiger de nous des réponses, des répliques ; avec elles on n’a pas à faire d’inutiles efforts pour prononcer des paroles ; on s’abandonne voluptueusement à ses rêveries, en respirant les parfums des femmes et des fleurs, dans des atmosphères de paisible douceur.

Ce soir-là, M. de Santillon m’obligea cependant à répondre :

— Où allez-vous, cette année, passer les vacances de Pâques ?… Vous ne dites rien… Vous hésitez…

Où j’irais ?… en effet, c’était l’époque où chaque année je m’évadais, pendant une quinzaine, loin des murs de Paris. J’aime la fête des résurrections, dans les forêts effervescentes où des milliers de vies renaissent et rejaillissent. Compiègne et Fontainebleau nous offrent alors leurs immensités silvestres, et j’y connais des soli-