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DOUCES AMIES

Oh, vouloir ! m’ont-ils dit, c’est le secret de toute domination. Toi qui veux être aimé, implacablement il faut t’acharner à la poursuite de la chimère, tendre vers elle tes poings crispés, avoir des griffes aux doigts, arracher de ta poitrine ton cœur palpitant, et le lancer ainsi qu’une pierre, afin d’atteindre la fugitive, et l’obliger à s’arrêter, meurtrie, puis la capter avec des rugissements et des chants de victoire.

Aussi je poursuivais mon amante future, la splendide inconnue de ma joie à venir.

Souvent, mes forces s’épuisaient ; mais aussitôt, je maudissais ma lâcheté. Harassé, meurtri, succombant presque, je m’élançais dans les ténébreux déserts où, devant moi, son ombre s’enfuyait.

Et soudain, je la rencontrai… Ce fut un soir. Dans le salon où chaque vendredi, je tuais les heures hostiles, en compagnie d’amis ou d’indifférents, j’aperçus une jeune femme qui venait là pour la première fois.

Je ne discernais d’elle, que sa chevelure blonde, d’une blondeur claire, étincelante, rayonnant au-dessus d’un corsage en soie blanche.

Aussitôt je sentis et compris que c’était Elle, mon adorée.

Et je ne me hâtai point de m’approcher pour contempler son visage.