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DOUCES AMIES

Je suis, je ne le nierai pas, subventionné, mais à titre de simple figurant, autour des tables de baccara… Vilain métier, monsieur, mais qui n’entache pas, il me semble, l’honorabilité de quiconque le pratique. Beaucoup de gens du meilleur monde ne touchent-ils pas d’importants honoraires, pour assister régulièrement aux premières des petits théâtres et des music-halls, pour paraître aux dîners ou aux réceptions de certains financiers aussi tarés que millionnaires ?

« Le prince de Sagan, un des premiers, nous a montré avec quelle maëstria on peut être à la fois un grand seigneur et un figurant rétribué des salons cosmopolites, des tripots malfamés… Oh ! certes, je ne suis ni prince, ni duc, ni même marquis. Je n’ai été, dans ma jeunesse qu’un homme du monde, de bonne naissance, de fortune modeste, mais honorable toutefois… Et ma déchéance actuelle est en quelque sorte glorieuse, car elle n’a eu pour cause qu’une aventure d’amour, où je me suis dépouillé peu à peu de tout mon bien, pour la beauté d’une femme que j’ai ramassée, on peut le dire, au coin du trottoir, et que j’ai haussée sur le piédestal triomphant du théâtre ; car elle a été pendant une saison l’étoile triomphante que Paris acclame, adore et sacre souveraine.