Page:Emery - Douces amies, 1920.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
111
DOUCES AMIES

somptueuses maisons de luxure. Mon esprit égaré surmonte sa folie et pense : Elle est peut-être ici, dans ces lieux impurs, pauvre victime de la destinée, condamnée sans amour à jouer tous les simulacres de la passion.

Je me laisse entraîner dans les salons dorés, où s’offrent nues, rieuses, des douzaines de femmes ; et mon œil hagard, mon œil fou les inspecte. Je semble un libertin qui s’attarde joyeusement, et se repaît de cette orgie de gorges provocantes, de cuisses abondantes, de croupes complaisantes.

Pourtant, je n’examine que les yeux… leurs yeux bêtes, où se figent le rire et l’imbécilité, leurs yeux où peut-être je découvrirai la flamme divine qui luit dans tes chers yeux, ô Toi, Toi que j’ose chercher là, oui là, même dans ces enfers, pour te sauver et te relever jusqu’aux ciels de l’amour !

Mais bientôt je m’enfuis, poursuivi par les rires haineux et les insultes de celles qui croient que je ne les ai jugées ni assez belles ni assez tentantes, pour une heure de spasmes.

Les rues maintenant sont désertes ; la nuit s’avance. Cependant quelques lumières pâles et mystérieuses, là-haut, dans le noir des maisons, trouent la ténèbre de leur clarté tremblante.