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DOUCES AMIES

pas un leurre, un songe creux, et vais-je couler mes jours, désormais, à vivre ainsi, hanté par l’idée fixe de t’aimer, Toi que je ne connais pas ?

Oui, par instants, je doute. Je veux t’enlever mon cœur, te voler mon amour.

Efforts criminels, inutiles, qui me prouvent la certitude et la réalité prochaine de mon espoir.

Et Toi, tu les connais aussi ces heures de souffrance, d’incroyance, de désespoir. Comme moi, tu te révoltes, et pleures, et te convulses…

La nuit, quelquefois, j’entends dans le silence une voix pleurante et dolente qui m’appelle. C’est une voix lointaine, un murmure à peine : mais j’entends distinctement tes appels passionnés, tes soupirs, tes sanglots. Alors, je me précipite, au hasard, à travers la ville, et pour que tu me saches près de toi, je crie, à pleins poumons, comme un dément, je te crie ; Me voici ! J’accours ! C’est moi ! Ô Toi !

Et je crois que tu vas m’apparaître alors, vision blanche et radieuse, dans l’ombre des hautes maisons qui dressent leurs murailles formidables et hostiles, ces maisons qui me dérobent et m’emprisonnent ma bien-aimée.

Et ma chair en délire, ma chair affamée entend parfois l’invitation des marchandes d’amour, les suit quelques minutes, pénètre parfois dans les