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DOUCES AMIES

Qui sait ? le Dieu d’amour qui t’a fiancée à moi, et qui brûle ton corps des mêmes fièvres exaspérantes, peut-être va-t-il guider ta marche incertaine et inconsciente vers mes yeux qui t’attendent, et te reconnaîtraient, sans hésiter, entre cent, entre mille, ô Toi que je n’ai jamais vue.

Oui, lorsque mes regards verront, là-bas très loin, très loin, ta silhouette indécise, — blonde, idéalement blonde, — brune, oh ! mystérieuse, — ou rousse, aux ondes d’or, aux parfums vénéneux, — mon cœur s’agitera en bonds tumultueux, et me dira : « C’est elle, elle, la bien-aimée, la prédestinée, la reine de ta vie ! »

Et les passantes vont, reviennent ; aucune ne m’émeut, ne me fait tressaillir. Des heures, des heures, je reste ainsi à t’attendre, à te chercher dans la rue, du haut de cette pauvre Tour d’amour qu’est mon balcon,

Puis, le noir envahit la ville. C’est le soir. Dans la fausse clarté des phares du trottoir, je devinerais encore ton ombre — qui ne m’apparaît pas.

Alors, cette nuit encore, j’errerai, comme un fou…

Je descends. Mon attente s’angoisse et se lamente.

Ne suis-je pas absurde ?… Mon espoir n’est-il