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DOUCES AMIES

rait la sympathie. Mais je le considérais comme un de ces déclassés mystérieux, presque suspects, dont on doit éviter la compagnie. Autant j’adore les bohèmes fous, mal vêtus, même déguenillés qui vivent, au jour le jour, des maigres revenus des lettres et des arts, autant je redoute instinctivement ces personnages déchus, dégringolés, qui gardent, en leur misère, des allures vaniteuses, une tenue recherchée — sans doute pour nous tromper, nous attirer vers des pièges obscurs. Quelques-uns, si nous sommes joueurs, finissent toujours par nous duper, en nous proposant des combinaisons miraculeuses, des martingales savantes ; d’autres, si nous aimons la femme, nous poussent dans les bras de rouées dangereuses et compromettantes, dont ils sont les associés et les amants.

Il me salua, et, sans même prendre garde à la façon plutôt insolente que j’avais, pour répondre à sa politesse, il parla :

— Je vous assure, monsieur, que vous vous méprenez sur mon compte. Parce que vous m’avez rencontré, à Paris, dans des cercles de second ordre, à Vichy, à Biarritz, dans les casinos, vous pensez, j’en suis convaincu, que je suis de ces personnages très peu scrupuleux qui jouent le rôle d’allumeurs pour amener les pontes à se faire détrousser par les tenanciers.